Houellebecq...Le nom sulfureux de l'auteur suffit à susciter les réactions qu'elles soient admiratives ou dénigrantes. Pour moi, j'avoue toujours le lire comme un piège qui se renferme souvent sur moi, lectrice pas forcément acquise au début. Les rares romans que j'ai lus de lui, comme Plateforme, ne peuvent être simplemen,t considérés comme des textes anodins. Il est de ceux qui troublent, qui ébranlent. Reconnaissons-le.
Enfant terrible de la littérature, il côtoie dangereusement sectes et anti-islamisme primaire. Le paravent de la fiction a bon dos, bien sûr, et il est bien aisé de l'invoquer pour annihiler la critique. Mme Bovary, ce n'est pas moi...Le choix de l'écriture à la première personne achève de rendre les choses encore plus ambigues. Mon jugement, épidermique, par moment, ne peut pas être apaisé par ces paravents.
Il est évident qu'aujourd'hui on admet qu'une oeuvre n'est pas immanente, et qu'elle se co-construit avec son lecteur. Toute une critique le montre et prend ainsi ses distances avec le précepte de la mort de l'auteur décrétée par Barthes... Si son lecteur arabe voire musulman se sent blessé, ébranlé par les discours des héros de Houellebecq, il peut difficilement avancer, aimer, apprécier et encore moins prêter tout cela à la fiction, tant il est vrai que ces traces s 'y trouvent de manière récurrente.
J'aurais donc lu Houellebecq comme un défi et je l'aurais lu comme on porte une croix...M'en voulant presque de le lire. Peut-on aimer donc ce qui vous donne la nausée? Combien de fois cette question s'est-elle posée pour moi? Des auteurs ou des artistes qui créent du sublime mais se présentent comme des êtres infects? Il y en a beaucoup, évidemment, et on peut difficilement séparer création et créateur. Peut-on nier que le chanteur de Noir Désir soit un meutrier? non. Peut-on nier que ce soit un chanteur unique? Non plus...J'aurais tout de même essayé et je suis allée au bout de ce livre...
François est un universitaire, et sa vie est dominée par ses charges d'enseignant aussi bien par les obsessions qui traversent son esprit que par ses parties de plaisir. Huysmans est en filigrane de toute son existence, ce n'est pas François qui découvre Huysmans mais Hysmans qui lui permet parfois de manière inattendue de se découvrir. Il se laisse porter. Il se laisse aimer, il se laisse rompre, il se laisse convertir.
Toute la première partie est une douloureuse trajectoire autour du vide, le vide affectif que n'aura pas comblé Myriam, le vide familial et le vide social. Même ses parties fines sont douloureuses, tant elles sont mécaniques. Le désarroi du héros est douloureuse à lire, et on ne sort pas indemne de cette partie. Parce qu'il est difficile d'accepter que ce traumatisme ne soit pas causé par...RIEN ou pas le vide, justement. Ni la blessure ni le manque, ni l'indigence. Cette souffrance a quelque chose d'encore plus scandaleux du fait qu'elle est...inexpliquée, au fond. Lire Houellebecq c'est se surprendre à se dire, c'est douloureux parce que rien dans la vie de ce héros ne devrait être douloureux, il n'est rien parce qu'il ne manque de rien au fond. L'opulence extérieure est l'autre versant de sa vacuité intérieure.
J'insiste sur la première partie parce que la deuxième est un échec. Autant la première m'a ébranlée par la finesse de son écriture, la subtilité, la beauté de son verse, autant la deuxième m'a parue être grossièrement un assemblage d'informations pêchées ici et là, de plaidoyer malvenu, et d'événements précipités. Parvenu au sommet de son art dans la première partie, l'auteur précipite son roman dans le néant pour la deuxième. Un Robert Rédiguer tout d'un coup musulman qui l'invite et lui sert de l'alcool (?!) et qui parvient en quelques mots à le convertir? Une retraite à la Huysmans si vite écourtée, pour aussitôt aller prononcer la Chahada? Un ouvrage de vulgarisation sur l'Islam qui nous est débité en des pages. Un relent de science fiction de la France qui bascule dans le chaos parce qu'un candidat musulman a remporté les élections...
Le lire ou pas? Je le lis, parce qu'il a une plume unique, qu'il trouble sans équivoque le lecteur, que son talent d'exprimer la douleur de l'homme moderne est exceptionnel. Mais je ne peux pas séparer, décidément l'homme des héros qu'il met en avant...
Avant lui, Camus aura été, un temps, accusé de racisme avec son étranger si facilement meutrier. Mais Camus a été aussi, dans ses autres textes, profondément humain, empathique et proche des autres. J'ai beau chercher un contre-point aux héros de Houellebecq, dans ses oeuvres, je n'en trouve pas...Mais Houellebecq n'est évidemment pas Camus...
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